lundi 31 mars 2008

Entendre n'est pas comprendre

Beaucoup font l'amalgame entendre = comprendre, et ce, à tort. Mais moi-même, je n'en ai compris la différence qu'au collège, lorsque je suis tombée sur un fascicule visant à expliquer aux professeurs comment communiquer avec des élèves sourds. Jusque là, je ne m'étais pas posé la question.

Il m'est déjà arrivé qu'on me demande si j'avais entendu ce qui se disait, et que je réponde alors : "Oui, j'ai entendu (avec mes appareils), mais je n'ai pas compris.", ce qui en déconcertait plus d'un, jusqu'à ce que je leur explique.

Et donc, entendre, c'est percevoir les bruits environnants, ceux que les appareils auditifs veulent bien nous transmettre, mais pour ce qui est de les distinguer et les identifier, c'est une autre histoire.
C'est pourquoi je précise que même si je suis appareillée et que je peux ainsi entendre la voix, il me faut lire sur les lèvres pour décrypter les paroles.

Et je sors souvent l'exemple suivant : "C'est comme si vous étiez en Chine : vous entendez parler autour de vous, mais vous ne comprenez pas." Et on comprend tout de suite encore mieux.

vendredi 28 mars 2008

Mon fils

Lorsque j'étais enceinte, après l'inquiétude de savoir si tout se passait bien, si le fœtus se développait bien, est venue l'inquiétude de savoir s'il entendrait ou pas. On ne peut rien voir avec les échographies, mais on peut faire des suppositions, suivant s'il réagit ou pas quand il y a de la musique, ou un gros bruit.

Je me souviens que le soir où on l'a clairement senti bouger, SK lui avait mis de la musique, et il avait encore plus bougé. Par la suite, SK lui mettait de temps en temps de la musique, et il réagissait toujours. De même que quand SK lui parlait. J'étais sûre qu'il entendait, mais en même temps, je me disais que ce n'étaient peut-être que des coïncidences, ou qu'il ne percevait que les vibrations.

Je ne voulais pas qu'il soit sourd. Quand je parlais à SK de l'éventualité qu'il le soit malgré tout, il me répondait toujours que ce n'était pas bien grave, qu'il travaillerait juste un peu plus que les autres. Mais s'il avait été sourd, je me serais sentie coupable. Coupable de l'imposer à SK. Car ce n'est pas si facile que ça. Et coupable aussi de transmettre ce handicap à mon enfant.

Je ne voulais vraiment pas qu'il soit sourd. Et j'ai été soulagée quand le personnel médical de la maternité m'a assuré qu'il était certainement entendant, vu ses réactions aux bruits environnants. Par la suite, on est allés trouver une confirmation au centre ORL où le médecin nous a dit que tout marchait bien. La pédiatre m'a même dit qu'Aurel entendait plutôt bien, mais était plutôt assez sensible aux bruits. Je ne m'étonnais donc pas qu'Aurel ait le sommeil assez léger.

D'ailleurs, parfois, un gros bruit le faisait sursauter ou réveiller, et dans ces cas, je disais : "Quel dommage qu'il ne soit pas sourd !", mais toujours en plaisantant.

La faculté

En classe de Terminale, se posait la question de notre orientation professionnelle.
Le BIG problème que j'avais alors, c'était que je n'avais aucune idée de ce que je voulais faire. Peut-être professeur spécialisée... Sans trop grande conviction, car au fond, ce que je voulais vraiment faire, c'était être professeur de Français dans une école normale. Pas dans une école spécialisée. Mais mon handicap a fait que j'ai dû faire une croix dessus.
Je m'étais quand même dit que je voulais faire des études de Lettres Modernes.

Puis j'ai rencontré la responsable de l'intégration des sourds à la fac. Une incompétente de plus. Mais elle a fait fort en me conseillant de plutôt faire une Licence de Droit quand je lui ai exposé que je voulais avoir une Licence de Lettres Modernes pour ensuite passer un concours pour intégrer l'école de Chambéry qui formait les professeurs spécialisés.
Et j'ai fait fort en me disant que pourquoi pas, je pouvais bien essayer, surtout si le Droit ouvrait autant de portes qu'elle me l'assurait. Seulement, je n'étais pas faite pour le Droit. Je m'en suis enfin rendu compte au bout d'un an et demi de Droit. J'ai donc laissé tomber ces études avant de passer les derniers examens, puis, comme j'avais fini par douter de moi-même, je me suis dit que je n'y arriverais sans doute pas plus en Lettres, et j'ai choisi la Psychologie. Surtout que je lisais beaucoup moins depuis l'entrée diabolique d'Internet dans ma vie.

La Psychologie m'a beaucoup intéressée, et je n'ai pas regretté mon choix, mais malheureusement, elle comportait des matières scientifiques qui me faisaient plonger, sans compter que le Droit m'avait ôté toute confiance en moi, et j'ai gâché mon potentiel en me disant que je n'y arriverais pas.

D'autant plus qu'en matière d'aide, c'était toujours la même histoire : on prenait les notes à ma place. Mais là, c'était pire. C'était un autre étudiant, celui que je choisissais d'après sa manière d'écrire, qui prenait les notes à ma place, pendant qu'un interprète me traduisait en LSF ce que disait le professeur. Mais la première année de Droit, comme je n'étais pas vraiment rodée en LSF (c'est la responsable qui m'avait proposé d'essayer, et j'avais donc accepté), j'étais rapidement larguée, et je faisais semblant d'écouter l'interprète, en faisant un signe de tête de temps en temps (d'ailleurs à l'occasion de l'année des Handicapés, on m'a interviewée pour M6, et on me voit faire semblant d'écouter... Par contre après, je n'ai pas arrêté d'en entendre parler, car manque de pot, la plupart de mes anciens professeurs m'avaient vue à la TV, et à chaque fois la responsable me rapportait un : "Il/Elle t'a vue à la TV, il/elle t'a trouvée vraiment bien !" Ma réponse sceptique : "Ah bon..."). Toujours est-il qu'à force de voir l'interprète agiter ses mains, ma mémoire les enregistrait, et j'ai rapidement progressé en LSF. A tel point qu'avec 3 autres étudiants sourds, on a donné à notre tour des cours de LSF à d'autres étudiants entendants. J'en ai donné pendant 4 ans.

Mais je m'égare.

La psychologie m'intéressait vraiment beaucoup, surtout la psychologie sociale, la psychopathologie, la psychologie du développement, où j'avais de bonnes notes. Mais pas dans les matières scientifiques.

Je dirais que pour la prise de notes, demander à un autre étudiant n'est pas vraiment une bonne idée, parce que lui-même débute dans les études, et n'a donc pas forcément pris le bon pli d'emblée, sans compter que les heures de travail personnel sont considérables et suffisamment lourdes pour qu'il ait une autre personne à sa charge. En plus, il devait faire des photocopies pour me les passer, et bonjour le bordel, entre le trompage de page, ou la double photocopie, la remise des photocopies avec une semaine de décalage, etc... Tout cela m'a démotivée au bout d'un moment. J'en avais aussi marre de faire des études, surtout que je ne savais toujours pas ce que je voulais faire, et je ne voyais pas où cela me menait.

Par contre, en parallèle avec la Psychologie, j'avais l'Histoire en option, et j'adorais cette matière. J'avais de bonnes notes, ainsi qu'en Anglais que j'avais continué depuis le début de mes études.
Et en Droit, j'aimais beaucoup l'Histoire (je ne sais plus le vrai nom de la matière, je demanderai à ma sœur qui a fait du Droit jusqu'au Master), et le Droit Civil.

Maintenant, en ce qui concerne mes projets professionnels, c'est entre parenthèses pour l'instant, parce que j'ai eu un enfant il y a maintenant 4 mois.

Mais je sais maintenant ce que je veux faire, et surtout comment je vais faire, ce dont j'ai vraiment besoin. Mais je n'en parlerai pas avant l'heure H, parce que je n'ai pas envie qu'on vienne me saboter la motivation en me disant : "C'est bouché comme voie", ou "Pour quoi faire ?", ou "Tu ne vas pas y arriver, avec un enfant en plus !", etc.
J'ai la motivation pour y arriver. Alors, j'y arriverai.

Mon frère

J'ai une petite sœur et un petit frère. Ma sœur est entendante, mais pas mon frère. Il a 6 ans de moins que moi, et eu beaucoup moins de chance que moi.

Comme moi, il a débuté sa vie scolaire à l'école d'Auray pendant que j'étais à Vannes, mais il a d'abord eu deux maîtresses beaucoup moins compétentes que Sœur Myriam, qu'il n'a eu qu'en GS. Il était déjà un peu pénalisé par rapport à moi.

Puis, pendant que j'étais au collège, mon petit frère était en CP dans l'école spécialisée dont j'ai parlé dans l'article précédent. Et c'est là que mes parents ont réalisé à quel point ils avaient été trompés par l'école. Tout d'abord, la classe de mon frère avait pris énormément de retard dans l'apprentissage d'à peu près tout, et il avait donc fallu que ma mère apprenne elle-même la lecture à mon frère. Entre autres. Mais en plus de cela, leur maîtresse leur parlait... en langue des signes. Alors qu'on avait certifié à mes parents que l'école leur apprenait à parler, à se débrouiller oralement.
Premier mensonge...
L'année suivante, mes parents ont donc inscrit mon frère en CP dans une école normale. Ils voulaient d'abord l'inscrire dans une école juste à côté de notre collège. Mais l'école spécialisée était passée par-là, et avait fait en sorte que cette école refuse mon frère.
Premiers bâtons dans les roues.

Mes parents ont toqué à la porte de plusieurs écoles, avant de finalement en trouver une qui n'était pas loin de chez nous. Mais le combat ne faisait que commencer. Ils ont dû se battre de nouveau pour que mon frère bénéficie de soutien scolaire, tout comme j'en avais eu, mais il n'en avait pas assez, à peine 1h par semaine. Donc, cela a donné beaucoup de travail à ma mère qui, en plus d'être derrière moi au collège, de son boulot, devait faire travailler mon frère pour qu'il progresse.

Mais au contraire de moi, mon petit frère était quelqu'un de courageux, qui travaillait bien plus que moi. Il avait beaucoup de mérite, tout comme ma mère.

Je me souviens qu'il suivait des cours d'orthophonie, et que son orthophoniste (qui m'avait suivie aussi en 6ème et qui me proposait... soit de travailler, soit de faire un jeu de société, devinez ce que je choisissais) avait dit à mes parents que mon frère était malheureux. Et qu'il ne voulait pas travailler, préférant jouer. Ben voyons... Si elle lui faisait la même chose qu'à moi, il fallait être certain qu'il préférerait aussi jouer ! Et il n'était absolument pas malheureux. Mais elle se prétendait psychologue. Il faut dire aussi que beaucoup de professeurs spécialisés, orthophonistes, avaient la particularité de tous se prétendre psychologues, de bien comprendre les sourds (mais alors, pourquoi tous les sourds se plaignaient-ils d'eux, les qualifiant tous d'incompétents notoires ?), et... de les trouver tous malheureux, tous sans exception. Même moi, ils m'avaient trouvée malheureuse, et ils m'avaient envoyé un psy à qui je n'avais rien de particulier à raconter. Et qui était incompétente aussi... Enfin, étaient, car il y en avait deux.

Puis est arrivé le CM2, l'heure de choisir le collège où il irait. Comme celui où j'avais été n'acceptait plus les sourds, il fallait en choisir un autre, et surtout pas le collège public qui avait mauvaise réputation et de mauvais résultats, et où étaient regroupés tous les sourds.

Il a donc encore fallu que mes parents se battent pour que mon frère soit accepté dans le collège qui était juste à côté de chez nous, que le corps enseignant l'accepte, qu'il ait des heures de soutien, mais là encore, il n'en avait qu'une à peine par semaine, heureusement qu'il en avait avec les professeurs eux-mêmes. Cela a été assez dur à la fois pour mon frère et mes parents, mais il a fait tout son collège sans redoubler.

Maintenant, il est en Terminale, dans le même lycée que moi, mais ça se passe mieux pour lui que pour moi, et j'en ai été soulagée. Il est en Economie et Social, un truc comme ça, je ne sais plus trop ce que veulent dire "ES". Le bac, c'est donc cette année pour lui.

Mon frère est incontestablement quelqu'un que j'admire, car il a toujours travaillé bien plus que moi et est quelqu'un de très courageux et mature pour son âge.

Le secondaire (collège et lycée)

Nous avons ensuite déménagé à Rennes pour que je continue d'être intégrée comme mes parents le souhaitaient, et ils pensaient que l'école spécialisée qui allait nous suivre, mon frère et moi, était sérieuse. Ils se sont malheureusement rapidement rendu compte que c'était très loin d'être le cas.

Cette école leur avait promis que nous aurions toute l'aide dont nous avions besoin, leur avait fait croire qu'ils faisaient tout pour favoriser l'intégration des sourds. Vous verrez dans un futur article en quoi ce n'était pas le cas (celui sur mon frère).

Quand je suis arrivée dans cette nouvelle ville, bien plus grande que Vannes et où je ne connaissais personne, où j'allais être scolarisée dans une école dont le système changeait par rapport au primaire, cela faisait beaucoup de changements pour moi, quasiment un choc. Et j'ai difficilement accepté d'avoir quitté mon enfance, mes anciens camarades. Surtout que j'ai joué de malchance en tombant dans la même classe qu'une peste de première, à cause de qui j'avais vraiment peur des autres. C'est là que je suis devenue assez paranoïaque, à penser que les autres me regardaient de travers, alors que pas forcément... Heureusement, ça ne m'est pas arrivé souvent.
La prof spécialisée qui m'accompagnait m'avait expliqué que les sourds sont légèrement plus paranoïaques que la moyenne car ils décryptent plus facilement les expressions faciales, mais parfois un peu trop, et les interprètent parfois de travers. Mais depuis, je me suis soignée en me raisonnant souvent !

A cause de tout ça, ma pauvre soeur a dû me supporter pendant quelques pauses où je venais l'embêter avec ses copines. Dans tous ces changements radicaux, j'avais besoin d'une bouée, et c'était elle, ma bouée. Après, je me suis fait des copines, et ça allait mieux. Pour tout le monde.

J'avais une prof spécialisée qui m'accompagnait en cours, et j'avais honte... J'avais honte d'être assistée comme ça. Surtout qu'elle prenait les notes à ma place, comme si je ne savais pas écrire. A partir de la 5ème, j'avais demandé à les prendre moi-même, mais à ma grande surprise, elle avait refusé catégoriquement, même si je lui avais dit que je pouvais très bien copier sur ma voisine qui était d'accord (en plus, c'était une bonne élève). Rien à faire. Alors, j'avais laissé tomber...

Mais le souci, c'est qu'à la base, j'avais déjà un poil dans la main. Et que le fait qu'elle fasse absolument tout à ma place m'a desservie bien plus que cela ne m'a aidée comme ils (le personnel de l'école spécialisée) le croyaient.
Parce que sa manière de prendre les notes n'était pas celle qui me convenait le mieux, ce qui me rebutait alors pour les reprendre le soir.
Parce qu'il fallait que je reprenne ses notes en rentrant du collège, ce qui me faisait perdre du temps, et donnait double travail, en plus des devoirs et leçons à apprendre...
Parce que pendant qu'elle prenait les notes, j'essayais de suivre les profs, mais soit je n'arrivais pas à lire sur leurs lèvres, soit je décrochais rapidement...
Et parce que si j'avais pris moi-même les notes, j'aurais déjà appris une première fois, et comme j'avais une bonne mémoire, j'aurais retenu facilement le plus important du cours. D'ailleurs, les fois où j'écrivais moi-même, j'avais de relativement bonnes notes, ou du moins, j'avais la moyenne, même si je n'avais pas appris grand chose.

En gros, l'aide qu'on m'a en quelque sorte imposée n'était pas la mieux adaptée à mon cas. Ils ont commis l'erreur de penser que tous les sourds intégrés avaient les mêmes besoins.

Ce faisant, je me suis donc laissée de plus en plus aller, je me suis reposée sur elle, je n'ai pas fait travailler ma mémoire, et tout cela, je l'ai payé cher au lycée, mais surtout à la fac.
En plus, l'adolescence s'en est mêlée, et je n'ai pas compris que si je prenais l'habitude de travailler, cela me servirait par la suite. L'âge con.

Je n'ai donc jamais vraiment travaillé (pour ne pas dire que je ne travaillais pas), mais je restais une élève dans la moyenne, première en classe de Français (comment je me la pète) tandis qu'en Maths, à partir de la 5ème, je dégringolais de niveau en niveau. D'ailleurs, j'étais déjà la première de la classe en Français dès le primaire, et j'étais moyenne en Maths, mais à mon entrée en 6ème, j'avais été mise dans le 2ème groupe de Français, et le 1er groupe de Maths, cherchez l'erreur.
Il y avait des groupes en Français et en Maths, 5 en tout, et les meilleurs étaient dans les plus hauts groupes, tandis que ceux qui avaient plus de mal allaient dans les derniers groupes. Question d'adaptation pour mieux les aider à progresser. Chaque trimestre, ils pouvaient changer de groupe s'ils s'étaient amélioré, ou s'ils avaient encore baissé. D'ailleurs, ils se sont vite aperçus de leur erreur, et au deuxième trimestre, j'ai été mise dans le 1er groupe de Français, tandis que j'étais maintenue dans le 1er groupe de Maths car je ne m'en sortais finalement pas si mal. Pour les autres matières, il n'y avait pas de groupes.
Mais en Maths, je dégringolais tellement qu'en classe de 3ème, je m'étais finalement retrouvée dans le dernier groupe... Mais c'est une autre histoire.

Donc, j'avais fini par me débrouiller sans ma soeur, ce qui ne m'empêchait cependant pas d'oublier très régulièrement mes affaires tellement j'étais tête en l'air, et les professeurs étaient blasés... Mais malgré cela, le courant passait bien entre eux et moi. Très bien même.

A tel point qu'on m'a parfois accusée d'être la chouchoute... Tout ça parce que j'avais des cours de soutien où je reprenais les points mal compris lors du cours avec les profs eux-mêmes. Comme si c'était une partie de plaisir. Mais au moins, ça ne se passait pas pendant les pauses, mais pendant les heures de permanence.

Tant que j'y pense, je me souviens que pour les dictées, je recevais une feuille à trous ou une feuille truffée de fautes, que je devais remplir pendant que le professeur dictait un autre texte à voix haute pour les autres élèves. Jusqu'en 3ème, on ne m'avait jamais fait de remarques, jusqu'à ce jour où une amie m'a dit en gros que mes dictées étaient plus faciles que les leurs et que c'était de la triche. Je me souviens que j'en avais été blessée car d'une part, elle savait très bien que je ne pouvais pas trop faire autrement, et que d'autre part, elle savait aussi très bien que j'excellais vraiment en orthographe et conjugaison. D'autant plus que de façon globale, elle était bien meilleure élève que moi, alors il n'y avait pas matière à être jalouse de moi...

Mais ce fut le seul incident, heureusement.

Sinon, je bénéficiais aussi d'un tiers-temps supplémentaire pour les examens, et... j'étais gênée de pouvoir en bénéficier, pendant que les autres se levaient car l'heure était terminée pour eux. Parfois, je restais jusqu'au bout, surtout quand je passais la première demi-heure à rêvasser, car je suis souvent lente à démarrer, mais souvent, je ne terminais pas longtemps après eux. Evidemment, même si on ne me l'a jamais vraiment dit, les autres devaient trouver cela injuste. Ils me disaient qu'ils ne comprenaient pas pourquoi j'avais plus de temps qu'eux, et je leur répondais simplement que c'était parce que certains sourds mettent plus de temps à comprendre les consignes que les autres.

Ce collège était vraiment bien, il n'y avait eu aucun incident majeur à cause de ma surdité. S'il y en a eu, c'était uniquement dû à l'âge bête.

Cette fois, il y avait aussi d'autres sourds, 4 en 3ème, 1 en 5ème, et moi en 6ème. Donc la plus jeune après moi était dans la classe supérieure. Et après moi, il n'y a plus eu de sourds car lorsque j'ai quitté le collège, c'était l'année de la mise en retraite du directeur, et je ne sais pas trop pourquoi, le nouveau directeur ne voulait plus d'autres sourds. A moins que ce ne soit une victoire de l'école spécialisée qui avait tendance à vouloir regrouper tous les sourds dans le même collège public qui n'avait pas du tout bonne réputation.

Puis, vint le lycée. La classe de Seconde fut la pire de toutes mes classes pour moi. Changement d'établissement car il n'y avait pas de lycée incorporé au collège où on était. Nouvelles têtes, mais cette fois, il y avait aussi d'autres élèves de mon collège. Il y avait aussi d'autres sourds, disséminés dans quelques classes. On était une dizaine en tout, tous niveaux confondus. Et dans ma classe, il y avait deux autres filles en plus de moi. On se destinait toutes les 3 aux études Littéraires, tandis que les 3 autres étaient dans le Scientifique. Les autres étaient dans des classes supérieures.

Comme on devait prendre une option, je voulais prendre Italien en plus de l'Anglais et de l'Espagnol, mais l'école spécialisée s'en était mêlée en disant que je devais éviter, sous le prétexte qu'apprendre 3 langues étrangères était quasiment impossible pour un sourd. Cette histoire a été portée devant mon prof principal chez qui j'ai expliqué que j'aimais apprendre les langues étrangères et que j'étais bonne en anglais et en espagnol, mais la parole du directeur de l'école spécialisée pesait plus lourd que la mienne, et il a gagné contre moi. J'ai donc dû prendre Economie, et comme je n'aimais pas ça, cela a contribué à faire baisser mes notes.

L'année de la Seconde est celle qui m'aura vue vraiment plonger : crise d'adolescence aigüe, beaucoup trop de matières et d'heures de cours à mon goût, poil dans la main qui n'était pas parti, et me voilà à être repêchée par ma mère pour passer tout de même en classe de 1ère. Et heureusement, parce que la Seconde pour moi, c'est un programme vraiment lourd où on voit beaucoup de nouvelles choses et manières de procéder d'un coup. 95% des sourds qui passaient par-là redoublaient, et comme je passais tout de même, je me souviens que les profs spécialisés n'en étaient pas trop contents.
Chaque classe avait sa prof spécialisée et celle que j'avais... je lui en ai aussi fait voir de toutes les couleurs, la pauvre. On se prenait très souvent la tête, les clashs étaient récurrents (je me souviens même d'une fois où j'ai quitté la salle de soutien en claquant la porte...), mais malgré tout, elle m'aimait bien, et moi-même, je l'aimais bien, même si j'ai parfois songé la marabouter. Mais là, le problème était le même qu'au collège : elle prenait les notes à ma place, et en plus, pas comme je le voulais. Mais on lui avait dit de procéder ainsi. Alors elle faisait ainsi.

En classe de 1ère Littéraire, cela a été bien mieux, même si je restais toujours faible de façon générale. Je n'en foutais toujours pas une, car je n'avais toujours pas compris qu'il fallait vraiment que je travaille, même si c'était double par rapport aux autres. Age bête, quand tu nous tiens.

Puis, en Terminale, toujours pareil. Les professeurs disaient même à ma mère que je n'aurais pas mon bac.

J'ai eu mon bac, de justesse, mais je l'ai eu.
Et le lycée pour moi, ce fut fini et à mon plus grand soulagement car je n'aurais pas supporté d'y rester une année supplémentaire, tellement l'ambiance était pesante dans cette école de bourgeois, et où on favorisait ouvertement les meilleurs au détriment des élèves les moins forts et qui étaient laissés de côté. Question statistiques de réussite au bac. C'était le lycée le plus prestigieux de la ville, et même de Bretagne.

Le collège : les années les plus intéressantes de ma vie scolaire.
Le lycée : les pires années de ma vie scolaire.

jeudi 27 mars 2008

Petit entracte

Parce que j'ai pondu tellement d'articles (sans compter les commentaires auxquels je réponds) en une journée que mon cerveau est en surchauffe.

Plusieurs autres articles sont en attente d'être terminés et postés, bientôt, je posterai :
- la suite de ma scolarité, au secondaire (collège et lycée)
- ce que m'a apporté ma famille
- la fac
- comment ça se passe lors des réunions familiales
- comment les autres me perçoivent selon moi
- des liens vers des sites de LSF
- les moyens de communication (comment appeler un sourd, et lui parler)
- etc.


En tous les cas, je n'imaginais pas du tout que ce sujet intéresserait autant de monde ! C'est une agréable surprise.
Je vous remercie tous de lire ce blog, de laisser vos commentaires, d'avoir voté, tout cela me donne encore plus de motivation pour le continuer !

mercredi 26 mars 2008

Ma scolarité : maternelle et primaire (et anecdotes)

Il me semble que j'ai commencé à apprendre à parler avec une orthophoniste vers 1 an. Il faudra que ma mère confirme. C'est vrai que cela peut sembler très tôt pour commencer à travailler, mais le temps tournait déjà contre moi.

Ensuite, on a déménagé à Auray (puis plus tard à Vannes) et j'ai été mise dans un premier temps dans une école spécialisée, où j'ai eu la chance de tomber sur une bonne sœur, Sœur Myriam, qui a suivi ma classe pendant 3 ans, de la PS à la GS. Elle avait vraiment LA vocation, il suffit d'ouvrir les cahiers qu'elle nous confectionnait pour le constater, je n'ai pas vu de tels cahiers chez mon petit frère ou mes plus jeunes cousins et cousines. Elle prenait le temps de peindre, de colorier, de dessiner, d'optimiser chaque détail pour qu'on apprenne à lire, etc. C'est elle qui a conseillé à mes parents de me mettre dans une école normale car je présentais de bonnes dispositions pour. Ils ont alors tout fait pour que je sois acceptée.

J'ai d'abord été intégrée dans une école primaire de Vannes, à mi-temps, si je puis dire. C'est-à-dire que j'allais dans cette école le samedi matin (je crois...), mais que le reste de la semaine, je continuais d'aller à l'école spécialisée. A ce moment-là, j'étais en CP avec les sourds, mais en GS avec les entendants, pour que je m'adapte en douceur. J'avais deux maîtresses en CP (c'est beaucoup, quand on sait qu'on était 8 élèves sourds, mais cela devait avoir une explication), mais je sentais qu'elles ne m'aimaient pas, alors je ne les aimais pas.

Toujours est-il que je me souviens qu'un jour, elles sont venues me rendre visite à l'école, et que je n'étais pas vraiment enchantée de les voir là, j'étais même plutôt mal à l'aise. Elles avaient alors discuté avec la maîtresse des entendants, et juste après, celle-ci était venue m'engueuler en pleine face, même que j'avais fait un mouvement de recul. Evidemment, je n'avais rien compris à ce qu'elle m'avait dit, mais mes parents ont réagi tout de suite en me plaçant dans une autre école. Cette histoire reste obscure pour moi.

Donc, dans l'autre école primaire, où j'ai continué à aller en GS à mi-temps en parallèle avec le CP à l'école spécialisée, j'ai été très bien acceptée par la directrice en premier (et pour l'anecdote, sa soeur était ma prof de gym à l'école spécialisée), et par le corps enseignant. Mais les 2 maîtresses spécialisées sont revenues me rendre visite à l'école, et comme je me souvenais de la dernière fois où cela s'était produit, je suis restée méfiante, tout en les regardant de loin en me demandant ce qu'elles pouvaient dire à la directrice (qui était ma maîtresse de GS aussi). J'ai donc été surprise quand la directrice n'est pas venue m'engueuler comme un poisson pourri comme l'autre bécasse.

Après ça, j'ai été plus tranquille, et tout se passait bien. Très bien même. Je suis entrée en CP (avec cependant une année de retard par rapport aux autres car ça se faisait lors d'une intégration, mouééé... C'est pour ça que j'allais en GS avec les entendants en même temps que j'allais en CP avec les sourds), et comme j'avais déjà appris à lire, je n'ai pas pris de retard. J'ai eu la chance d'avoir une très bonne maîtresse, compétente, gentille, attentive. De façon globale, je n'ai pas eu de problèmes avec mes maîtres et maîtresses ni avec mes petits camarades. Je me sentais vraiment très bien intégrée. Bien sûr, j'ai eu quelques petits problèmes, mais ce n'était pas forcément lié à ma surdité, il y a des profs moins compétents que d'autres, comme partout.

Mais pendant que je suivais une scolarité normale, j'avais en parallèle des cours d'orthophonie, et qu'est-ce que je détestais ça. Car cela signifiait : sacrifier des heures de récréation... Prendre le taxi pour aller de Vannes à Auray, traverser la cour de récréation et quand je n'avais pas de chance, croiser ces maîtresses que je n'aimais pas... Mais en traversant la cour, je revoyais aussi parfois mes anciens camarades qui grandissaient et que je ne connaissais plus. Plus le temps passait, moins on se comprenait. Ils signaient, et je parlais. Mais j'ai fini par ne plus les voir car sur la fin, c'est l'orthophoniste qui se déplaçait. J'en ai vu passer, des profs spécialisés qui étaient aussi orthophonistes. Il n'y en a pas beaucoup que j'aie vraiment apprécié, hormis une qui n'est pas restée longtemps, et la dernière : une autre bonne sœur, Sœur Anne Catherine. La plus terrible pour moi, c'était Martine, l'avant-dernière, et comme par hasard, je l'ai eue pendant 2 ans... Mais tout cela était vu et vécu avec mes sensations d'enfant, peut-être qu'elles n'étaient pas toutes aussi bêtes et méchantes comme je le pensais.

Elles venaient pour reprendre les points vus en classe que je n'avais pas compris, pour faire de l'orthophonie, et elles venaient durant la récréation et les cours de musique. J'enviais les autres de faire de la musique, et de les voir continuer de jouer. Alors, à partir d'un certain moment (le CE2, je crois), j'ai commencé à faire mine de ne pas les voir arriver, histoire de grappiller encore quelques minutes de jeu. Avec Martine (la pauvre, je lui en ai fait voir de toutes les couleurs, finalement), j'en étais même arrivée à... me cacher derrière un arbre à l'autre bout de la cour, et elle devait d'abord me chercher du regard, pour finalement me repérer (soit je ne me cachais pas bien, soit j'étais dénoncée à chaque fois), et traverser la cour pour venir me prendre par le bras pour qu'on aille travailler. Je traînais toujours littéralement les pieds. Toujours... Et une fois même, avec des copines qui s'étaient faites mes complices, je m'étais cachée dans les toilettes (mais sans les fermer, de peur de rester coincée), mais on a commis l'erreur de mettre une copine juste devant la porte... Là, Martine m'avait littéralement traînée par le bras. Je m'étais fait gronder, bien sûr.

Mais en même temps, Martine m'a créé quelques problèmes avec ma maîtresse de CM1, en allant lui rapporter des propos que je n'avais pas tenus, comme quoi elle était nulle alors que tout ce que j'avais dit, c'était que je n'avais pas compris un mot durant la dictée. Il a fallu que ma mère intervienne. De toute façon, la maîtresse m'aimait bien, pour preuve, elle m'a serrée dans ses bras une fois :p
En CM2, j'ai eu un très bon maître aussi, que j'aimais beaucoup, tout comme presque tous les autres élèves, je pense. J'ai beaucoup d'anecdotes aussi, mais que je ne raconterai pas parce que je doute que cela intéresse vraiment, et parce que ce n'est pas en rapport avec la surdité.

Et avec mes camarades, ils m'ont acceptée d'emblée, d'ailleurs à cet âge-là, on ne se pose pas plus de questions que ça, et on ne voit pas autant la différence que les plus vieux. Sauf une fois, en CE1 (c'est ma soeur qui me l'a raconté bien plus tard), une nouvelle élève a dit que je faisais semblant d'être sourde, ce qui lui avait valu une bagarre avec ma sœur sans que j'en comprenne la raison. Mais cela a été vite réglé, et il n'y a pas eu d'autres incidents du genre. J'avais des copines, une meilleure copine, je parlais avec tout le monde, personne ne rechignait à articuler quand on s'adressait à moi, la seule difficulté, que je rencontre partout d'ailleurs... c'était les discussions en groupe. Une fois, je me souviens avoir interrompu une discussion entre filles et d'avoir dit que j'en avais marre de ne rien comprendre, elles s'étaient tues pendant un instant, et... avaient recommencé comme avant. Alors, j'avais laissé tomber, ça allait bien trop vite pour moi, et les paroles fusent trop vite, plus vite même que la pensée.

Il y avait aussi ma sœur, et je ne sais pas si j'y serais arrivée sans elle. Car comme elle avait sauté une classe, et que j'en avais refait une (pour ne pas dire redoubler, car ce n'était pas le cas), on s'était retrouvées dans la même classe. Il est certain qu'elle m'a beaucoup aidée, malgré elle, mais d'un autre côté, cela avait sans doute son revers. Ainsi, comme j'étais plutôt distraite et tête en l'air, je ne m'en faisais pas, parce que je savais que ma sœur pensait à tout. J'imagine que cela a dû être bien dur pour elle. Mais quand j'étais enfant, je ne m'en rendais pas compte. J'en reparlerai dans un futur article.

Fin du primaire.

mardi 25 mars 2008

Mon rapport à la surdité

Je n'ai jamais vraiment réfléchi sur ce que représentait la surdité pour moi. A priori, c'est un handicap, quoi qu'en disent les sourds "extrémistes" qui le considèrent non comme un handicap, mais comme une identité (sic).
D'ailleurs, il suffit de se référer à la définition donnée par Wikipédia :
On nomme handicap la limitation des possibilités d'interaction d'un individu causée par une déficience qui provoque une incapacité, permanente ou présumée définitive et qui elle même mène à un handicap moral social ou physique.

Il n'y a rien à ajouter.

Oui, il y a une culture spécifique aux sourds, mais ce n'est pas la mienne. Ayant grandi dans le monde des entendants, leur culture est donc la mienne.

Comme je n'ai jamais eu de réels problèmes liés à ma surdité, j'ai très bien intégré le fait d'être sourde. Sans toutefois totalement l'assumer, surtout quand je me trouve confrontée à une situation qui me renvoie douloureusement à mon handicap.

Je n'ai pas de gros problèmes de communication, j'arrive à communiquer avec n'importe qui, tant qu'il articule un minimum.

Tout ce qui me pose problème, c'est les discussions en groupe. J'aurai beau faire du pied à la personne qui est censée me servir d'interprète pour qu'il me résume ce qui s'est dit, interrompre de temps en temps les gens pour rattraper le fil de la discussion, etc., à la fin, je finirai toujours par le perdre. C'est une situation très frustrante pour moi, et je réfléchis encore à la manière de contourner le problème, mais je n'en vois pas.

Et Dieu sait que si j'entendais, on m'entendrait.

Une autre situation extrêmement frustrante : le téléphone. Je rage de dépendre d'une autre personne, et ça m'embarrasse beaucoup de lui demander de téléphoner pour moi. La vie serait tellement plus simple si je pouvais tout faire moi-même. Il reste toujours les mails, mais dans l'administration, il faut souvent attendre 1 jour pour avoir une réponse, si ce n'est plus. Alors, il faut compter une semaine pour obtenir la réponse à ma question. Cela m'est déjà arrivé, et j'étais près de m'arracher les cheveux. Dire que parfois, c'est vraiment urgent...

Mais hormis ces deux situations qui me rappellent que je suis sourde, tout va bien pour moi. Je ne pense pas particulièrement à ma surdité.

De la compensation en matière de handicap

Je copie-colle un autre article que j'avais posté sur le forum, il y a un bon moment.

Des études scientifiques ont démontré que lors de la perte d'un membre, les autres membres récupéraient en quelque sorte ce qui constituait sa force.

Ainsi, une personne qui perdra ses deux jambes verra ses bras augmenter en force. Quelqu'un qui perd ses deux bras, verra ses jambes augmenter en agilité.

Ceci pour le côté corps. Maintenant, voyons du côté cerveau.

Dans le cerveau, il existe un compartiment spécifique à chaque sens. Si un compartiment n'est pas stimulé, faute de composants, il se verra en quelque sorte "envahir" par d'autres compartiments.

Si quelqu'un est privé de sa vue, il verra en particulier son ouïe et son toucher augmenter. L'odorat aussi, mais ça dépend des gens.
Pour l'ouïe, ça sera surtout la vue. Viennent après l'odorat et le toucher.
Pour le goût, le toucher, et l'odorat, j'avoue que je ne sais pas.

Quelles sont vos suppositions concernant ces derniers ?

Hep... On est en quelque sorte des surhommes, non ?? :p Vu que certains de nos sens sont amplifiés par rapport à la moyenne :))

De la comparaison des handicaps

Je copie-colle ici un article que j'avais rédigé pour un forum.

Oui, oui, très souvent, les gens comparent les handicaps pour minimiser certains handicaps par rapport à d'autres. Mais ce dont ils ne se rendent pas compte, c'est qu'en ce faisant, ils dénigrent l'importance de tout handicap.

On m'a déjà sorti (directement ou indirectement) : "Etre aveugle, c'est pire qu'être sourd." Et ce, pas qu'une fois.

Merci, ça fait plaisir.

Tout d'abord, j'estime qu'on ne devrait même pas comparer les handicaps, chacun comporte son nombre de malus et de bonus, et ils sont différents, donc impossibles à comparer.
Ce qu'on pourrait comparer là-dedans, ce sont les divers degrés de surdité, ou de cécité, etc. Là, oui, ça prête matière à la comparaison.

Mais entre un sourd et un aveugle ? C'est l'éternel combat malgré nous.

Quand on pose la question aux gens à savoir ce qu'ils "préféreraient" être, très souvent, la plupart répondent du tac au tac : "Je préférerais être sourd, car je ne pourrais pas ne plus voir".

OK.

Mais... J'ai lu une fois que le plus important entre les humains, c'était bien la communication.

Et qui dit surdité, dit difficultés de communications, et parfois enfermement dans le monde de la surdité.
Alors que qui dit cécité, dit quand même présence de communication, etc.

Alors, si vraiment, on voulait comparer les deux handicaps, on ne devrait pas oublier ce point, si l'on veut répondre de façon correcte.

Ca me fait halluciner cette forme de compétition, de course au handicap le plus difficile, donc le plus à plaindre ou le plus valorisant (aberration, quand tu nous tiens).

Après (je précise pour éviter les malentendus), chacun a le droit de dire qu'il préférerait être sourd, ou aveugle, ou trisomique, ou paraplégique, MAIS qu'on ne dise pas que c'est parce que tel handicap est plus ou moins dur que l'autre ! C'est hors de propos.


Questions pour les entendants :
- Faites-vous aussi (malgré vous) ce genre de comparaison ? Qu'en pensez-vous ? Pour vous, quel est le handicap le plus lourd ? Le plus léger ? Quels sont vos arguments ? Pensez-vous qu'on doive vraiment comparer les handicaps ?
Exprimez-vous sur le sujet, vos expériences, votre vécu, etc. :p

Questions pour les sourds :
- A vous aussi, vous a-t-on dit qu'être aveugle était plus dur qu'être sourd ? Quelle a été votre réaction ? Vos arguments ? Etc.

Expressions relatives à la surdité

Pour détendre l'atmosphère que mon précédent article a dû crisper chez certains de mes (encore rares) lecteurs, je vais mettre ici la liste de toutes les expressions concernant le fait de ne pas bien entendre.

Pas pour en faire un autodafé, mais bien pour en rire ! D'ailleurs, je suis... la première à utiliser l'expression : "faire la sourde oreille". Je me souviens que lorsque j'étais en 2de, je racontais à une amie que (hum, je ne sais pas si je fais bien de raconter cette anecdote) je faisais parfois la sourde oreille en classe pour ne pas avoir à répondre. Elle m'avait alors regardé les yeux ronds, genre "Mais comment c'est possible, ça ?!" (au passage, pour répondre à la question, avec mes appareils, j'entends les bruits environnants, et je reconnais même mon prénom, incredible ! Mais je le confonds parfois avec le prénom de mon père - Dominique -, et celui d'un camarade de classe quand j'étais petite - Jérémie -).

Alors, il y a le classique "Etre sourd comme un pot". Suivi de très près par "Etre dur d'oreille", mais cette expression se perd de plus en plus. Il y a aussi la question pas très aimable "Tu es sourd ou quoi ?!" mais dont j'avoue m'être moi-même servie à quelques reprises... pour rigoler, soyez rassurés, on respire.
Il y a bien sûr le "Faire la sourde oreille".

Je ne sais plus les autres, mais j'en avais regroupé une belle collection, zut. Si vous en avez en tête, n'hésitez pas à les partager en commentaire !

La planète des sourds

Le premier qui dit : "des singes"... couic.

J'ai failli mettre "La guerre des mondes" en titre, mais c'était disproportionné par rapport à la réalité.

Oui, il y a plusieurs mondes dans la planète des sourds. En gros, il y a ceux qui signent et ceux qui oralisent. Il y a aussi ceux qui font les deux, comme moi, et ceux-là, on pourrait dire qu'ils sont dans un no man's land.

Je suis désolée d'écrire cela, mais de façon générale (après, chaque cas est particulier, cela va de soi), les sourds qui signent forment eux-mêmes un ghetto de sourds. Ils ont tendance à rester entre eux, à faire des activités entre eux, à boire entre eux, à faire du foot entre eux, à sortir entre eux, à se marier entre eux, etc.
En même temps, ils ont grandi entre eux, et ont suivi les mêmes cours dans les mêmes écoles spécialisées. C'est donc normal de rester dans un environnement qu'on connaît, où sont tous ceux qu'on connaît souvent depuis la maternelle.
Cependant, ce qui est dommage, c'est qu'ils restent ainsi fermés aux autres : aux entendants, et même aux autres sourds, ceux qui ne signent pas, ou pas assez bien, quasiment considérés par eux comme des "traîtres à leur statut de sourd". Heureusement qu'ils ne sont pas tous extrémistes comme ça.
En ce qui concerne leurs discussions, ce n'est pas toujours très élevé... Maintes fois on (on = des sourds, et oui) s'est plaint auprès de moi du fait que les sourds ne parlaient que de "qui sort avec qui", ou de foot, pour exagérer un peu, mais en gros, c'est souvent ça. Ça tourne vite en rond.

Cependant, à ce que j'ai remarqué, ils sont très sportifs, de façon globale (je fais tache à côté). Ils organisent des tournois de volley-ball l'été, et j'ai pu participer à un (il est inutile de préciser que je ne suis pas allée très loin dans les classements). C'était formidable de voir tout ce monde venu des 4 coins de la France, et même d'autres pays, comme la Belgique, la Suisse, qui se connaissait, ou qui faisait facilement connaissance. D'ailleurs, si dans la rue, on croise un sourd qu'on ne connaît pas, on peut se présenter à lui, et le tutoyer d'emblée, même s'il est bien plus vieux que soi. Et ça, c'est vraiment une bonne chose, je trouve. C'est normal, on est tellement peu nombreux en comparaison aux entendants.

Ils restent aussi entre eux, non seulement pour une question de confort, mais aussi parce qu'il n'est pas toujours simple d'aller vers les entendants, de communiquer avec eux, sans compter les mauvaises expériences qu'on peut avoir avec les entendants. Comme les moqueries parce qu'on signe comme des singes, ou parce qu'on parle mal, ou parce qu'on a un drôle d'accent, ou parce qu'on n'a rien compris et qu'automatiquement on est donc stupides, ou parce qu'on se ridiculise en répondant à côté, ou en faisant le contraire de ce qui était demandé, etc. Donc chat échaudé craint l'eau froide, et ça se comprend.

Ils n'ont pas eu la chance non plus de bénéficier d'une bonne scolarité, vu le niveau des cours donnés dans les écoles spécialisées, et le fait est que de plus en plus, les portes des voies générales leur sont fermées, même s'ils présentent un bon potentiel. Ceux de ma classe maternelle qui sont restés dans l'école spécialisée m'ont raconté comment ils étaient tous dirigés sans exception vers le BEP, le CAP, etc. Par les professionnels des écoles spécialisés eux-mêmes. Une fois, je m'étonnais qu'ils n'exploitent pas le potentiel de chaque enfant sourd, et on m'a expliqué qu'à cause de l'intégration, les écoles spécialisées tendent de plus en plus à disparaître. Ce qui n'est donc pas dans l'intérêt du personnel qui les peuple... Et comment éviter cela ? En prenant les enfants sourds en otage. En les handicapant encore plus.
Je dis ça, sous réserve de rectification.

Après, il y a les oralistes. Ils sont le plus souvent intégrés dans le cursus normal dès le CP. Alors ils baignent tôt dans le monde entendant, ceux qui parlent, et ils apprennent plus vite et mieux à parler et à maîtriser la langue française. C'est logique, pour bien parler une langue, il faut baigner dedans. De plus en plus de sourds obtiennent le bac, même s'ils sont sourds profonds, et de plus en plus arrivent au moins à la Licence en Fac. Mais de plus en plus aussi prennent la grosse tête...

Et c'est là que je vais parler de ceux qui font croire qu'ils sont sourds profonds. Ce sont ceux-là qui m'exècrent le plus. Comme je l'ai expliqué à quelqu'un qui s'étonnait de l'intérêt que cela pouvait leur apporter : Plus on se dit sourd, plus ça force le respect. Parce que pour arriver à un niveau scolaire intéressant et exceptionnel pour un sourd, il faut avoir énormément travaillé, être un minimum intelligent, et rien que cela, ça force déjà le respect et une grande admiration. Et si en plus, on parle bien, cela tient du prodige. Or, souvent, ce sont des faux prodiges.
Mais ce qui me fait mal quand ils mentent sur leur degré, c'est qu'en ce faisant, ils dénigrent et éclipsent le travail accompli par ceux qui sont vraiment sourds profonds. Et comme les sourds profonds parlent généralement moins bien qu'eux, on oublie tout le travail qu'ils ont accompli, toute la sueur qu'ils ont versée, toutes les heures passées à travailler pour s'améliorer. Et ça, ça fait mal.
Malheureusement, j'ai rencontré beaucoup (trop) de soi-disant sourds profonds... que je voyais téléphoner. Mais souvent, ce sont leurs propres parents qui leur ont dit qu'ils sont sourds profonds (mais ils aiment aussi à le croire tout seul, ça force le respect et l'admiration... forcément).

Et enfin, il y a ceux qui balancent entre les deux mondes, celui des sourds, et celui des entendants. Rien de particulier à dire, si ce n'est qu'ils sont peut-être les plus ouverts aux deux mondes, puisqu'ils ont la chance de les connaître tous deux. Mais avoir le derrière entre deux chaises est parfois une position un peu inconfortable.

Le monde des sourds n'est pas tout rose ! Mais j'avoue que je l'ai sans doute un peu trop noirci.

Les différents degrés de surdité

On en décompte 5.

- La surdité légère, avec une perte de 20 à 40 décibels (dB). 40dB équivaut à une discussion normale. Les discussions à plusieurs commencent à devenir pénibles à suivre, et fatiguent pas mal car elles sollicitent davantage l'attention.

- La surdité moyenne, avec une perte de 40 à 70dB. C'est là qu'on commence à crier pour se faire entendre, ou à parler un peu trop fort car on ne s'entend pas assez. Je pense que le Professeur Tournesol (le vrai) était dans ces eaux-là. Car à ce stade, on ne comprend pas tous les mots, et c'est là que les appareils deviennent vraiment nécessaires (avant, ils sont surtout vivement conseillés). 70dB équivaut à une salle de classe.

- La surdité sévère, avec une perte de 70 à 90dB. Les sons à haute intensité sont encore perçus, mais ils restent incompréhensibles. Les appareils sont indispensables. 90bB équivaut à des aboiements.

- La surdité profonde, avec une perte de 90 à 120dB. C'est là que j'entre en scène, avec une perte de 105 et 110 dB (gauche et droite, si je me souviens bien).
Mais pour cette surdité, il y a trois sous-catégories :
Perte de 90 à 100cB : Surdité profonde de type 1 (moto de course)
Perte de 100 à 110dB : Surdité profonde de type 2 (discothèque)
Perte de 110 à 120dB : Surdité profonde de type 3 (voiture de course)

- Et enfin, la surdité totale. On n'entend rien, que dalle, nada. Sauf si un avion à réaction décolle à côté de vous, là, vous allez l'entendre.

Pour l'anecdote, sont généralement appelés "malentendants" ceux qui peuvent au moins téléphoner.
Il est aussi conseillé à tous les sourds d'utiliser le terme malentendant sur leur CV, même s'ils ne le sont pas, car le terme "sourd" reste trop péjoratif dans les mentalités.

A noter aussi que beaucoup (trop) de sourds se prétendent sourds profonds. Sans doute pour une meilleure reconnaissance sociale, car être sourd profond et bien parler, cela force le respect.

Fiche d'identité

Pseudo : Professeur Tournezol
Age : Un quart de siècle
Type de surdité : Surdité profonde au 2ème degré
Origine de la surdité : Génétique
Outils de communication : Oraliste, Lecture labiale, compréhension du LPC, Français signé, écriture, etc.
Mode de scolarisation : Intégration totale du CP à la Terminale.


J'ai choisi le pseudo "Professeur Tournezol", en référence au Pr. Tournesol de la série des Tintin, car je me suis assez souvent trouvée dans les mêmes situations que lui, à savoir : comprendre de travers et donc répondre à côté de la plaque, pour que j'adopte son nom qui colle bien à mon pseudo habituel, Zol.

Pour le type de surdité, je consacrerai un article rien que pour expliquer les différents degrés.

Je suis oraliste, c'est-à-dire que je parle, pas à la perfection certes, mais l'essentiel est d'être comprise par mes interlocuteurs. Je lis sur les lèvres, alors si je ne vois pas les lèvres de mon interlocuteur, je ne comprends rien, et s'il parle trop vite ou les lèvres trop serrées, je suis vite larguée.

Quand j'étais petite, ma mère avait appris le LPC (Langage Parlé Complété, qui consiste à composer des syllabes en gestes pour aider à la compréhension du mot) en un Weekend, et quand je ne comprenais toujours pas un mot, elle faisait les gestes adéquats auprès de son visage pour que je le décrypte enfin. Je comprends le LPC, mais, honte à moi, je n'ai jamais vraiment pris le temps de l'apprendre entièrement à mon tour. Manque d'opportunité.

En maternelle à l'école spécialisée, j'ai appris quelques signes, gardés au fond de moi jusqu'à ce que je fréquente d'autres sourds au lycée, avec qui j'ai appris la langue des signes, ou plutôt, le français signé. Grammaire française un jour, grammaire française, toujours... J'expliquerai aussi, plus tard.

J'ai été mise en intégration totale dès le CP, et ce jusqu'en Terminale. Du fait de baigner dans un environnement composé en très grande partie d'entendants, de lire énormément, et surtout de l'aide familiale (que je décrirai dans un futur article), j'ai ainsi pu me constituer un solide bagage linguistique, tant oral qu'écrit. Cependant, au lycée, il y avait d'autres sourds, une dizaine, et dans ma classe, on était trois. J'ai alors appris beaucoup d'autres gestes au contact d'une autre sourde qui était dans l'autre classe. A la fac, j'ai même donné des cours bénévoles de LSF à d'autres étudiants, pendant 4 ans.

Dans le cas où il y a un réel problème de communication, il reste toujours l'écriture. Cependant, je m'en suis rarement servie, les gens se débrouillant généralement assez bien quand je leur demande d'articuler. Je m'en sers parfois lors de mes démarches administratives, médicales, ou autre, pour ne rien louper d'important.