vendredi 28 mars 2008

Le secondaire (collège et lycée)

Nous avons ensuite déménagé à Rennes pour que je continue d'être intégrée comme mes parents le souhaitaient, et ils pensaient que l'école spécialisée qui allait nous suivre, mon frère et moi, était sérieuse. Ils se sont malheureusement rapidement rendu compte que c'était très loin d'être le cas.

Cette école leur avait promis que nous aurions toute l'aide dont nous avions besoin, leur avait fait croire qu'ils faisaient tout pour favoriser l'intégration des sourds. Vous verrez dans un futur article en quoi ce n'était pas le cas (celui sur mon frère).

Quand je suis arrivée dans cette nouvelle ville, bien plus grande que Vannes et où je ne connaissais personne, où j'allais être scolarisée dans une école dont le système changeait par rapport au primaire, cela faisait beaucoup de changements pour moi, quasiment un choc. Et j'ai difficilement accepté d'avoir quitté mon enfance, mes anciens camarades. Surtout que j'ai joué de malchance en tombant dans la même classe qu'une peste de première, à cause de qui j'avais vraiment peur des autres. C'est là que je suis devenue assez paranoïaque, à penser que les autres me regardaient de travers, alors que pas forcément... Heureusement, ça ne m'est pas arrivé souvent.
La prof spécialisée qui m'accompagnait m'avait expliqué que les sourds sont légèrement plus paranoïaques que la moyenne car ils décryptent plus facilement les expressions faciales, mais parfois un peu trop, et les interprètent parfois de travers. Mais depuis, je me suis soignée en me raisonnant souvent !

A cause de tout ça, ma pauvre soeur a dû me supporter pendant quelques pauses où je venais l'embêter avec ses copines. Dans tous ces changements radicaux, j'avais besoin d'une bouée, et c'était elle, ma bouée. Après, je me suis fait des copines, et ça allait mieux. Pour tout le monde.

J'avais une prof spécialisée qui m'accompagnait en cours, et j'avais honte... J'avais honte d'être assistée comme ça. Surtout qu'elle prenait les notes à ma place, comme si je ne savais pas écrire. A partir de la 5ème, j'avais demandé à les prendre moi-même, mais à ma grande surprise, elle avait refusé catégoriquement, même si je lui avais dit que je pouvais très bien copier sur ma voisine qui était d'accord (en plus, c'était une bonne élève). Rien à faire. Alors, j'avais laissé tomber...

Mais le souci, c'est qu'à la base, j'avais déjà un poil dans la main. Et que le fait qu'elle fasse absolument tout à ma place m'a desservie bien plus que cela ne m'a aidée comme ils (le personnel de l'école spécialisée) le croyaient.
Parce que sa manière de prendre les notes n'était pas celle qui me convenait le mieux, ce qui me rebutait alors pour les reprendre le soir.
Parce qu'il fallait que je reprenne ses notes en rentrant du collège, ce qui me faisait perdre du temps, et donnait double travail, en plus des devoirs et leçons à apprendre...
Parce que pendant qu'elle prenait les notes, j'essayais de suivre les profs, mais soit je n'arrivais pas à lire sur leurs lèvres, soit je décrochais rapidement...
Et parce que si j'avais pris moi-même les notes, j'aurais déjà appris une première fois, et comme j'avais une bonne mémoire, j'aurais retenu facilement le plus important du cours. D'ailleurs, les fois où j'écrivais moi-même, j'avais de relativement bonnes notes, ou du moins, j'avais la moyenne, même si je n'avais pas appris grand chose.

En gros, l'aide qu'on m'a en quelque sorte imposée n'était pas la mieux adaptée à mon cas. Ils ont commis l'erreur de penser que tous les sourds intégrés avaient les mêmes besoins.

Ce faisant, je me suis donc laissée de plus en plus aller, je me suis reposée sur elle, je n'ai pas fait travailler ma mémoire, et tout cela, je l'ai payé cher au lycée, mais surtout à la fac.
En plus, l'adolescence s'en est mêlée, et je n'ai pas compris que si je prenais l'habitude de travailler, cela me servirait par la suite. L'âge con.

Je n'ai donc jamais vraiment travaillé (pour ne pas dire que je ne travaillais pas), mais je restais une élève dans la moyenne, première en classe de Français (comment je me la pète) tandis qu'en Maths, à partir de la 5ème, je dégringolais de niveau en niveau. D'ailleurs, j'étais déjà la première de la classe en Français dès le primaire, et j'étais moyenne en Maths, mais à mon entrée en 6ème, j'avais été mise dans le 2ème groupe de Français, et le 1er groupe de Maths, cherchez l'erreur.
Il y avait des groupes en Français et en Maths, 5 en tout, et les meilleurs étaient dans les plus hauts groupes, tandis que ceux qui avaient plus de mal allaient dans les derniers groupes. Question d'adaptation pour mieux les aider à progresser. Chaque trimestre, ils pouvaient changer de groupe s'ils s'étaient amélioré, ou s'ils avaient encore baissé. D'ailleurs, ils se sont vite aperçus de leur erreur, et au deuxième trimestre, j'ai été mise dans le 1er groupe de Français, tandis que j'étais maintenue dans le 1er groupe de Maths car je ne m'en sortais finalement pas si mal. Pour les autres matières, il n'y avait pas de groupes.
Mais en Maths, je dégringolais tellement qu'en classe de 3ème, je m'étais finalement retrouvée dans le dernier groupe... Mais c'est une autre histoire.

Donc, j'avais fini par me débrouiller sans ma soeur, ce qui ne m'empêchait cependant pas d'oublier très régulièrement mes affaires tellement j'étais tête en l'air, et les professeurs étaient blasés... Mais malgré cela, le courant passait bien entre eux et moi. Très bien même.

A tel point qu'on m'a parfois accusée d'être la chouchoute... Tout ça parce que j'avais des cours de soutien où je reprenais les points mal compris lors du cours avec les profs eux-mêmes. Comme si c'était une partie de plaisir. Mais au moins, ça ne se passait pas pendant les pauses, mais pendant les heures de permanence.

Tant que j'y pense, je me souviens que pour les dictées, je recevais une feuille à trous ou une feuille truffée de fautes, que je devais remplir pendant que le professeur dictait un autre texte à voix haute pour les autres élèves. Jusqu'en 3ème, on ne m'avait jamais fait de remarques, jusqu'à ce jour où une amie m'a dit en gros que mes dictées étaient plus faciles que les leurs et que c'était de la triche. Je me souviens que j'en avais été blessée car d'une part, elle savait très bien que je ne pouvais pas trop faire autrement, et que d'autre part, elle savait aussi très bien que j'excellais vraiment en orthographe et conjugaison. D'autant plus que de façon globale, elle était bien meilleure élève que moi, alors il n'y avait pas matière à être jalouse de moi...

Mais ce fut le seul incident, heureusement.

Sinon, je bénéficiais aussi d'un tiers-temps supplémentaire pour les examens, et... j'étais gênée de pouvoir en bénéficier, pendant que les autres se levaient car l'heure était terminée pour eux. Parfois, je restais jusqu'au bout, surtout quand je passais la première demi-heure à rêvasser, car je suis souvent lente à démarrer, mais souvent, je ne terminais pas longtemps après eux. Evidemment, même si on ne me l'a jamais vraiment dit, les autres devaient trouver cela injuste. Ils me disaient qu'ils ne comprenaient pas pourquoi j'avais plus de temps qu'eux, et je leur répondais simplement que c'était parce que certains sourds mettent plus de temps à comprendre les consignes que les autres.

Ce collège était vraiment bien, il n'y avait eu aucun incident majeur à cause de ma surdité. S'il y en a eu, c'était uniquement dû à l'âge bête.

Cette fois, il y avait aussi d'autres sourds, 4 en 3ème, 1 en 5ème, et moi en 6ème. Donc la plus jeune après moi était dans la classe supérieure. Et après moi, il n'y a plus eu de sourds car lorsque j'ai quitté le collège, c'était l'année de la mise en retraite du directeur, et je ne sais pas trop pourquoi, le nouveau directeur ne voulait plus d'autres sourds. A moins que ce ne soit une victoire de l'école spécialisée qui avait tendance à vouloir regrouper tous les sourds dans le même collège public qui n'avait pas du tout bonne réputation.

Puis, vint le lycée. La classe de Seconde fut la pire de toutes mes classes pour moi. Changement d'établissement car il n'y avait pas de lycée incorporé au collège où on était. Nouvelles têtes, mais cette fois, il y avait aussi d'autres élèves de mon collège. Il y avait aussi d'autres sourds, disséminés dans quelques classes. On était une dizaine en tout, tous niveaux confondus. Et dans ma classe, il y avait deux autres filles en plus de moi. On se destinait toutes les 3 aux études Littéraires, tandis que les 3 autres étaient dans le Scientifique. Les autres étaient dans des classes supérieures.

Comme on devait prendre une option, je voulais prendre Italien en plus de l'Anglais et de l'Espagnol, mais l'école spécialisée s'en était mêlée en disant que je devais éviter, sous le prétexte qu'apprendre 3 langues étrangères était quasiment impossible pour un sourd. Cette histoire a été portée devant mon prof principal chez qui j'ai expliqué que j'aimais apprendre les langues étrangères et que j'étais bonne en anglais et en espagnol, mais la parole du directeur de l'école spécialisée pesait plus lourd que la mienne, et il a gagné contre moi. J'ai donc dû prendre Economie, et comme je n'aimais pas ça, cela a contribué à faire baisser mes notes.

L'année de la Seconde est celle qui m'aura vue vraiment plonger : crise d'adolescence aigüe, beaucoup trop de matières et d'heures de cours à mon goût, poil dans la main qui n'était pas parti, et me voilà à être repêchée par ma mère pour passer tout de même en classe de 1ère. Et heureusement, parce que la Seconde pour moi, c'est un programme vraiment lourd où on voit beaucoup de nouvelles choses et manières de procéder d'un coup. 95% des sourds qui passaient par-là redoublaient, et comme je passais tout de même, je me souviens que les profs spécialisés n'en étaient pas trop contents.
Chaque classe avait sa prof spécialisée et celle que j'avais... je lui en ai aussi fait voir de toutes les couleurs, la pauvre. On se prenait très souvent la tête, les clashs étaient récurrents (je me souviens même d'une fois où j'ai quitté la salle de soutien en claquant la porte...), mais malgré tout, elle m'aimait bien, et moi-même, je l'aimais bien, même si j'ai parfois songé la marabouter. Mais là, le problème était le même qu'au collège : elle prenait les notes à ma place, et en plus, pas comme je le voulais. Mais on lui avait dit de procéder ainsi. Alors elle faisait ainsi.

En classe de 1ère Littéraire, cela a été bien mieux, même si je restais toujours faible de façon générale. Je n'en foutais toujours pas une, car je n'avais toujours pas compris qu'il fallait vraiment que je travaille, même si c'était double par rapport aux autres. Age bête, quand tu nous tiens.

Puis, en Terminale, toujours pareil. Les professeurs disaient même à ma mère que je n'aurais pas mon bac.

J'ai eu mon bac, de justesse, mais je l'ai eu.
Et le lycée pour moi, ce fut fini et à mon plus grand soulagement car je n'aurais pas supporté d'y rester une année supplémentaire, tellement l'ambiance était pesante dans cette école de bourgeois, et où on favorisait ouvertement les meilleurs au détriment des élèves les moins forts et qui étaient laissés de côté. Question statistiques de réussite au bac. C'était le lycée le plus prestigieux de la ville, et même de Bretagne.

Le collège : les années les plus intéressantes de ma vie scolaire.
Le lycée : les pires années de ma vie scolaire.

6 commentaires:

Gilla a dit…

J'enrage sur les professionnels de la surdité -__- ! Toujours à penser ce qui est mieux pour les sourds au lieu d'écouter les sourds et de connaître leur avis...

Zol a dit…

Ah oui, ça, c'est clair... Je leur en veux beaucoup, parce que je pense que ma scolarité aurait été meilleure...

Vincent a dit…

Les sourds sont comme les entendants : tous différents.

Ce n'est pas parce qu'on est sourd qu'on a droit à des cours de soutien voire de prise de notes "abusées" (j'entends par là que la personne fait tout à ta place, qu'elle passe le bac elle même !).

Perso, je n'ai jamais apprécié l'organisation des écoles spécialisées car je les reproche d'en faire de trop ou de rester borné sur les préjugés (hé oui, même un prof spé a besoin d'information sur la surdité).

Zol a dit…

Exactement tout pareil, Vito. On se comprend bien...
Et je me souviens de profs spécialisés qui me posaient des questions sur le monde des sourds car ils n'y connaissaient rien.

Gilla a dit…

Pareil en ce qui concerne les profs spécialisés qui ne connaissent rien au monde des sourds ou alors vaguement ! oO

Jybicow a dit…

Haha ! Le poil dans la main c'est de famille on dirait ! (Dire que je devrai etre en train de bosser...)Mais pour moi ce serait plutôt l'inverse en ce qui concerne le college par rapport au lycee...
:D